Home sweet home. La maison a été toujours été un refuge, un lieu à part, ma bulle, notre bulle. Un lieu de ressourcement et de retrouvailles familiales, amicales. Elle le reste même si le cercle familial s’est rétréci à ma cadette et moi. Soulagement et bonheur qu’elle soit à mes côtés et non isolée à Paris dans son 9m2. Moins d’angoisses maternelles. Nous veillons l’une sur l’autre, partageons nos humeurs, nos repas, retrouvons des habitudes, expérimentons d’autres manières de vivre ensemble.
Tristesse de ne pas pouvoir partager avec mon aînée les joies de sa maternité, toucher son ventre, parler à ma petite fille. Invention d’autres rituels pour garder ce lien pour nous si précieux : photos, texto, visio… être créatives pour rester dans cette attention à l’autre, dans d’intimes partages, se montrer que l’on s’aime sans se le dire, se soutenir… voir à distance ma petite fille grandir dans le ventre de sa maman.
(Re)découverte de mon besoin vital d’être en lien. Chaque appel, chaque message est une fenêtre sur l’extérieur, un rayon de soleil : avec mon chéri, avec ma famille, mes amis, ma collègue et associée, les professionnels, les voisins…
Inventer là aussi d’autres façons de faire, d’autres rituels.
Le rendez-vous de 20h en hommage aux soignants et à tous ceux qui veillent sur nous a gagné toute la rue. On se retrouve, on mesure chaque soir avec joie que l’homme est viscéralement un être social ! Plaisir visible à se retrouver toutes générations confondues. Chaud au cœur.
Travailler certes autrement mais travailler nourrit mes journées, mon besoin, mon envie d’être utile, de partager. Que proposer avec ce que l’on sait faire, qui on est, ce qui nous anime : la rencontre, l’écoute, la parole, traverser ensemble…
Le confinement renvoie chacun à soi-même, ses limites, ses ressources…
La bulle, le cocon est protection. L’extérieur est potentiellement dangereux pour soi et pour les autres. La bulle devient parfois prison. Très peu de sorties, juste pour se nourrir, rares expéditions équitablement partagées entre ma fille et moi, histoire de ne pas trop nourrir nos angoisses réciproques qu’il arrive quelque chose à l’autre. Par respect aussi. Ne pas s’exposer, ne pas exposer les autres, à chacun de trouver la juste « distance de prendre soin de l’autre ». C’est celle que nous avons choisie, ou plus exactement elle s’est imposée. Tant pis pour mon besoin de marcher, besoin de faire au moins ce très modeste sacrifice.
Peurs que cette crise totale vient nourrir. La peur qu’il arrive quelque chose à ceux qu’on aime. Je l’ai déjà douloureusement éprouvée dans ma chair, j’essaie de ne pas lui laisser toute la place, de ne pas contaminer mes proches. Guerre intérieure au quotidien.
J’avais pourtant bien avancé. Recul brutal aux peurs archaïques.
Accepter, les laisser me traverser, ne pas m’y accrocher.
Résister à la tentation de l’agitation, à la peur du vide : travailler, coller, dessiner, lire, cuisiner, ranger, laver, jardiner, téléphoner, regarder les infos, des films…
Faire l’effort de ne rien faire, s’y autoriser, le savourer, en redemander, en souffrir.
Vivre l’instant présent pour apprivoiser l’inconnu. Vaste programme ! Beau sur le papier…
Prise de conscience de l’importance de ce dont je suis privée : voir ses proches, les toucher, les embrasser, marcher, s’immerger dans la nature, regarder la mer…
Se souvenir de les savourer au quotidien, après…
Après ?
Comment va-t-on se retrouver ? Faire corps à nouveau ? Quels dehors nous attendent ?
Ce que l’on vit aujourd’hui va forcément nous emmener ailleurs, ce n’est pas possible autrement ! Garder mon optimisme ! Au quotidien tant de souffrances, de chagrins, de jugements… qui m’affectent profondément mais aussi tant de belles initiatives de solidarité, d’élans de générosité, d’humanité. Je vais changer, nous allons changer, le monde va changer. J’ai besoin d’y croire pour poursuivre cette grande traversée, j’ai besoin d’y croire pour ma petite fille à naître.
Dans quel monde voulons-nous voir grandir nos enfants, nos petits-enfants ? Par où commencer ?
Catherine.
