Des chansons pour tout dire
Documentaire de Corinne Glowacki et Philippe Bigot (France, 2003).
52 mn. Inédit. V.F. Films Production / France 5. Coproduction France 3 NPDC-Picardie. Diffusions France 3 NPDC-Picardie et France 5
Anne-Marie Paquotte (Télérama n°2812. 03 Décembre 2003)
« Je veux être utile/À vivre et à chanter » (Etienne Roda-Gil/Julien Clerc). « Ça peut faire du bien/Une guitare, un citoyen » (Alain Souchon/Laurent Voulzy). Ce que disent ces deux chansons, Luc Scheibling le fait. Ex-éducateur et auteur-compositeur, il a fondé l’association Laisse Ton Empreinte, qui permet aux personnes en difficulté de s’exprimer, de s’affirmer à travers une chanson. Enfants d’une classe-relais de Roubaix (ce film a été tourné dans le nord de la France), élèves adultes d’un cours d’alphabétisation en témoignent. Et c’est bouleversant.
Écoutez la chanson de Stevens, qui se fait taper dessus par ses copains et exaspère sa mère ; Zahia, qui ne sait pas lire («Mon rêve, c’est de lire un livre ») ; Mahmed, qui a la rage depuis que son frère a été tué par une balle perdue ; le Reggae des petits hommes verts des agents de propreté de Loos ; Rachid, aide-éducateur…
Certains le disent : chanter leur vie a changé leur vie – le regard des autres, le leur, les mots de colère, de deuil, d’approche qui peuvent enfin se dire. C’est un travail de fourmi, un travail formidable que beaucoup découvriront grâce à ce remarquable documentaire, où l’on chante, où l’on parle, où l’on noue un lien essentiel de citoyen à citoyen.
Anne-Laure Barret (TéléCinéObs. Décembre 2003)
Un film magnifique, entre documentaire et comédie musicale.
Luc Scheibling, un ancien éducateur reconverti dans la musicothérapie. « Depuis que je suis tout petit, c’est comme ça. S’il y a un coup à prendre, c’est pour moi. » Sourire jusqu’aux yeux, Stevens répète avec application les paroles de la chanson que Luc a composée pour lui. Cet ancien éducateur, passionné de musique, a pris le temps de discuter avec le petit blondinet à la mine renfrognée. Peu à peu il l’a convaincu de raconter ses tourments, sa tristesse d’être le souffre douleur de sa classe, sa crainte de ne pas être aimé de sa maman.
Des doutes et des peurs du petit garçon, Luc Scheibling a fait une chanson, la « Chanson de Stevens ». Un hymne à la vie, une réussite éclatante à l’image : en l’espace de quelques séquences, l’enfant buté reprend espoir et parvient à renouer le dialogue avec sa famille. La tristesse de Stevens à Roubaix, le blues des agents de propreté de la ville de Loos, la honte muette des immigrés illettrés de Tourcoing… Luc Scheibling, créateur de l’association nordiste « Laisse Ton Empreinte », a choisi de soigner le désespoir en chanson parce que « les personnes en difficulté ne vont pas chez le psy ». Gravée sur un CD, revendiquée haut et fort, la douleur fait moins mal. « Avant, je sentais que je n’existais pas », témoigne une immigrée qui, aujourd’hui, se sent « à l’aise, libre », heureuse d’avoir enfin pu « tout dire ».